L’Interallié 2007, un Point final à la saison des prix
Suite et fin de la saison des prix littéraires avec l’attribution, aux alentours de treize heures, de l’Interallié 2007 à Birmane de Christophe Ono-dit-Biot (Plon). Le livre, qui était l’un des favoris de plusieurs prix, a finalement décroché cette distinction dès le premier tour. Birmane a été choisi par six voix contre quatre à Nada exists de Simon Liberati.
Paru quelques jours avant les manifestations conduites par les moines à Rangoun, le livre a profité du regain d’intérêt du public pour la Birmanie. Ono-dit-Biot, qui a réalisé plusieurs reportages dans ce pays, met en scène dans son livre un reporter parti interviewer un ponte de la drogue, et qui découvre les rouages de la dictature.
Lors de la réception de son prix, l’auteur s’est déclaré « très ému de recevoir ce prix pour ce livre, très ému également pour ce pays qui m’a donné envie de l’écrire et qui souffre toujours. De voir que le livre a été rattrapé par l’actualité me montre combien c’est important d’écrire sur le réel ». Il a ajouté qu’ « aucun pays, aucune communauté d’hommes ou de femmes ne m’a ému à ce point-là », et qu’il « n’est pas le moment d’oublier la Birmanie et les Birmans ».
Ce dernier prix vient donc confirmer le fort ancrage dans le réel des prix 2007. La stratégie des antilopes (Médicis) et Birmane (Interallié) sont fortement basés sur des reportages réalisés par leurs auteurs, tous deux journalistes. Alabama song (Goncourt) est une biographie fortement documentée écrite par un ancien de France 3. Enfin, Chagrin d’école (Renaudot) est un récit entièrement autobiographique. Seul Chagrins de cinéma (Femina) conserve une certaine teneur romanesque, même si son auteur (lui-aussi journaliste !) avoue que de nombreux éléments personnels se sont glissés dans l’écriture.
Face à ces constatations, et sans vouloir diminuer la qualité littéraire des œuvres primées, ne doit-on pas s’interroger sur l’évidente perte de crédibilité de la fiction pure dans la course des prix ? Parier que cette tendance est inhérente à la qualité de la littérature française contemporaine serait un jeu dangereux : de grands textes de fiction ont encore vu le jour cette année (Micro-fictions, Les falsificateurs, Amende honorable, Technosmose, pour ne citer qu’eux). Il n’empêche que la facilité, qui amènera beaucoup à dénoncer l’impact des “amis journalistes” des jurés de prix littéraires, conserve ses allures de propos du café du commerce.
Peut-être faut-il plus chercher dans la facilité à laquelle cèdent ces jurés : primer des livres à fort potentiel de succès populaire, quand ce dernier n’est pas déjà avéré (Chagrin d’école pour ne citer que lui). Car les classements des ventes sont là : outre la chanceuse Muriel Barbery, les auteurs ne s’étant pas assurés une bonne dose de “réel” (actualité, vécu) dans leurs romans ont souvent fini aux oubliettes…