Le livre des rêves de Fellini devient réalité
Seule une personnalité aussi débonnaire que Fellini pouvait être à l’origine d’un livre aussi gargantuesque. Le livre de mes rêves (en l’occurrence ceux du réalisateur italien) est bien plus qu’un événement éditorial, on parlera plutôt ici de date dans l’histoire de l’édition. Par son contenu d’abord, en donnant au lecteur l’accès aux songes les plus intimes d’un des plus grands réalisateurs du vingtième siècle. Par son aspect ensuite : un travail exceptionnel de reproduction de près de 600 pages, dans un format géant, pour un livre atteignant les 3,6 kg à la balance ! Une somme, dans le sens le plus littéral du terme.
Entre 1960 et 1982, Federico Fellini se penche, chaque matin, sur un cahier de notes posé sur sa table de chevet, et dessine chacun de ses rêves. Il fera relier ensuite ces 440 dessins en deux tomes de formats différents, et donne à cette somme le titre de Journal de mes rêves. Ces dessins demeureront longtemps un secret : de son vivant, Fellini n’en divulguera que quelques uns à de très bons amis ou de la famille proche.
Armé de pinceaux, de stylos et crayons de couleurs, Fellini use d’un trait outrancier et de couleurs criardes pour donner forme à ses songes les plus intimes et les moins avouables. Obsessions sexuelles, objets de désir, personnages connus pénétrant dans son univers (Mastroianni bien sûr, Simenon, Visconti ou Laurel et Hardy). Fellini se représente volontairement de dos dans ce projet préconisé par le psychanalyste du cinéaste, le jungien Ernst Berhhard. Dans les deux tomes, le premier regorge de notes tracés dans une écriture quasiment illisible, alors que le second regorge de dessins de grand format (la taille des feuilles que ce second volume étant supérieure à celle du premier).
Outre la divulgation du subconscient de Fellini, Le livre de mes rêves fait aussi figure de mystère dévoilé à cause des péripéties multiples ayant précédé sa publication. A la mort du cinéaste, en 1993, les deux tomes reliés sont placés dans un coffre par les six héritiers, qui s’en partagent la propriété à parts égales. Cinq ans plus tard, la Fondation Federico Fellini est créée pour préserver tout le fonds documentaire lié au travail du réalisateur. L’organisation cherche alors à racheter Le journal de mes rêves. Mais seuls deux héritiers lui cèdent leur part, et il faudra attendre le dénouement en 2006 d’un terrible imbroglio juridique pour que la fondation acquière la propriété intégrale des tomes.
Dès lors, un immense travail préparant la publication est lancé, pour une sortie mondiale fixée à la rentrée 2007. En France, les éditions Flammarion se portent acquéreurs de l’ouvrage. Renaud Temperini, spécialiste de Léonard de Vinci et de l’art italien, est chargé de la traduction des notes accompagnant les dessins. Une titanesque adaptation qui occupe près de 200 pages du livre.
Au final, Le journal de mes rêves fait partie de ces ouvrages que tout amateur de cinéma, ou simplement de beaux livres, trouvera évident de posséder dans sa bibliothèque. Mais à près de 90 euros, seuls les plus passionnés pourront avoir accès à ce rêve d’édition devenu réalité…
« Le livre de mes rêves » de Federico Fellini, Ed. Flammarion, 590 pages, 89 €