A cross the universe, rendre Justice à une tournée partie en vrille
Avec un peu d’honnêteté, tous les fans de CD live vous le diront : il est rare, très rare, que les DVD accompagnant ces derniers soient autre chose qu’une succession d’images politiquement correctes, glorifiant les fans d’un chanteur/groupe lors d’une tournée épuisante mais triomphale. C’est dans ce contexte que l’initiative du groupe électro français Justice fait l’effet d’une bombe. Tout d’abord parce que le résultat inverse la tendance marketing du moment : ici, ce n’est pas le DVD qui accompagne le CD, mais bien le film qui est au centre du projet, le live musical devenant à son tour le bonus. Il serait cependant injuste de réduire le projet à un simple bouleversement des règles commerciales : A cross the universe apparaît bel et bien comme l’événement musical et vidéo de cette fin d’année.
L’association du groupe Justice avec le cinéaste Romain Gavras (l’un des fondateurs du collectif Kourtrajmé) a déjà fait couler beaucoup d’encre en mai dernier. Leur clip pour le chanson “Stress”, qui montre une bande de cinq jeunes banlieusards commettant de nombreux actes de violence dans leur cité puis dans la ville, avait déclenché une véritable tornade médiatique, dans laquelle la classe politique s’était invitée avec délectation.
C’est à ce duo de choc, auquel s’adjoint le graphiste et clippeur So-Me, que l’on doit le documentaire A cross the universe. Le concept ? Filmer les moindres instants de la vie du groupe et de l’équipe technique pendant les trois semaines de la tournée américaine de Justice, début 2008. Rien, ici, n’est tabou : d’un tour manager passionné jusqu’à l’obsession par les armes à feu aux groupies en délire (et plus si affinités) en passant par les fêtes et les nombreuses embrouilles avec les forces de l’ordre américaines, tout y est. Le tout filmé sans fard et monté à 3000 à l’heure, A cross in the universe est un kaléidoscope halluciné d’un groupe coincé dans une tournée qui part souvent en vrille.
Il serait néanmoins injuste de réduire le film (d’une durée de 64 minutes) qu’au simple portrait quotidien de ce périple. On imagine que le choix de filmer le groupe sur sa tournée américaine n’est pas innocent. Et le résultat est là : par sa nature même, le film fait un portrait en creux saisissant des États-Unis d’aujourd’hui. Et montre un pays dont les extrêmes font froid dans le dos, cultivant plus que jamais la passion des armes, l’extravagance du capital roi, et une violence policière au quotidien. On ne reste, toutefois, pas dupe : il ne faut bien entendu pas comparer les instants de cette tournée à la vie quotidienne de l’américain moyen. La vérité crûe filmée ici n’en fait pas moins froid dans le dos, et constitue un contrepoids pertinent aux violences bien françaises montrées dans le clip “Stress”.
« Justice, A cross the universe » de Romain Gavras, Justice et So-Me, Editions Ed Bangers Records/Because music, DVD+CD, 18 €.
La bande-annonce de A cross in the universe :