Interview Frédéric Martel : « La plupart des actions culturelles de Nicolas Sarkozy seront à abolir »
En quoi ces divers éléments peuvent-ils représenter un atout électoral ?
F.M. : La politique culturelle sarkozyste, qui est incohérente, chaotique, et sans vrai résultats, pourra difficilement représenter un atout électoral pour lui en 2012. Par contre, son rapport à la culture et aux médias, la manière avec laquelle il va construire sa communication, peut être décisive dans cette bataille.
J’ai vécu comme tout le monde les élections de 2002 en France, et j’ai surtout vécu la réélection de George Bush aux États-Unis en 2004. Ce qui m’a beaucoup marqué est la façon avec laquelle ce président, qui était mal aimé par l’élite, par la presse et les Américains cultivés, a réussi à être réélu en faisant la guerre culturelle. Je me demande donc si Sarkozy, d’une manière ou d’une autre, ne peut pas à son tour gagner cette bataille-là à nouveau en France. C’est bien le risque pour moi, même si j’assume clairement mon engagement à gauche dans ce livre.
Si Sarkozy venait à perdre cette élection, lesquelles de ses initiatives culturelles vous semblent-elles les plus urgentes à abroger par son successeur ?
F.M. : Il faut d’abord comprendre qu’une élection se base sur la durée, sur des fondamentaux très profonds. En ce sens, il existe des marqueurs très forts qui peuvent contribuer à faire perdre Sarkozy. La nuit du Fouquet’s, l’Epad de Jean Sarkozy, et « Avec Carla c’est du sérieux », sont par exemple trois points décisifs dans les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui.
Pour répondre plus précisément sur les problèmes de la politique culturelle de Sarkozy, l’essentiel est que la plupart de ses propositions ont échoué. La Maison de l’histoire de France sera à revoir et à abolir sans doute, la loi Hadopi sera à abolir immédiatement, la “Carte Musique” pour les jeunes sera à abolir également, de même que cette idée de la “culture pour chacun”. Je pense néanmoins que le travail de son successeur pour les supprimer ne sera pas très difficile, puisque la plupart de ces idées ont échoué, ou sont impraticables, ou encore suffisamment déconsidérées pour rendre leur abolition facile.
Néanmoins, je ne veux pas être caricatural : la question du droit d’auteur à l’heure d’Internet reste une vraie question, très complexe. Si la gauche arrive à pouvoir, elle aura à imaginer de façon très professionnelle une solution technique qui fonctionne, que je n’ai pour l’instant pas forcément vue dans les programmes de ses candidats.
A ce sujet, les projets ou annonces des candidats concurrents de Nicolas Sarkozy aux présidentielles 2012 vous rendent-il optimiste sur leurs politiques culturelles respectives ?
F.M. : Je n’étais pas un grand partisan de François Hollande pendant les primaires socialistes, je ne suis donc ni naïf ni aveuglé. Je pense en même temps que un président “normal” est aussi un président qui laisse faire son ministre de la Culture et son premier ministre. Je pense qu’aujourd’hui Frédéric Mitterrand est très déconnecté des décisions, qui se prennent souvent à l’Elysée, et j’espère que l’on retrouvera un vrai ministre qui regardera les dossiers, et tranchera ensuite.
Je pense par ailleurs que si l’on a un président moins égocentrique, moins orgueilleux, qui pense moins à la culture de chacun qu’à la culture pour tous, on aura une politique culturelle repensée, modernisée et dépersonnalisée, contrairement à ce que Sarkozy a fait.