Interview Frédéric Martel : « La plupart des actions culturelles de Nicolas Sarkozy seront à abolir »
Vous ouvrez votre ouvrage en affirmant que la culture est le « péché originel » du sarkozysme. Pouvez-vous l’expliquer ?
F.M. : Je considère que le terme “culture” ne doit pas être pris au sens très strict. Ce n’est pas seulement la politique culturel, ou même les goûts du président Sarkozy dans ce domaine. Cela renvoie à une notion beaucoup plus large, qui recouvre ses valeurs, son niveau d’éducation, son rapport à l’école, sa connaissance des intellectuels et des débats d’idées. Tout cela me parait être très central dans une élection, ainsi que dans la manière avec laquelle le président va se positionner.
En cela, oui, je pense que la culture est le péché originel du sarkozysme. Dès le début de son quinquennat, Sarkozy a voulu rompre avec tous les codes, avec le “catéchisme” culturel et le modèle intellectuel français. Cette rupture est un choix très profond, qui nécessite de savoir ce que l’on fait, et y rester fidèle. Il faut savoir assumer sur la durée ces choix-là. Or, cette rupture n’a eu lieu que sur des mots, sur la durée il n’en reste presque rien. Cela ne sert à rien de rompre avec La princesse de Clèves et Jean-Marie Bigard pour terminer comme lecteur du Génie du christianisme.
Selon vous, le “sarkozysme culturel” obéit à un “système” composé d’artistes, médias et communicants. En quoi est-il singulier dans la Ve République ?
F.M. : La France a eu des présidents peu cultivés, très cultivés, ayant une culture très originale, pour citer dans le désordre Pompidou, Giscard, Chirac et Mitterrand, mais on a jamais eu de président qui, comme Sarkozy, pouvait dire tout et son contraire, changer d’idées et de culture comme de chemise, pour se retrouver avec une inconsistance et une absence de continuité totales. Comme le dit dans mon livre Emmanuelle Mignon, l’ancienne directrice de cabinet de Sarkozy, il manque totalement de “colonne vertébrale” en matière culturelle.
Votre ouvrage est construit à la manière des “J’aime / J’aime pas” des réseaux sociaux. Pourquoi ce choix ?
F.M. : C’est la première fois que je m’attaque à une sorte de pamphlet, qui n’était pas jusqu’alors mon mode naturel d’écriture. J’aime surtout les enquêtes longues et internationales, de terrain. Ce livre s’en distingue, car il est aussi plus rapide, alors que mes précédents ouvrages étaient beaucoup plus longs. De ce point de vue, Mainstream était un livre sur la culture grand public, ce qui est très important pour quelqu’un qui veut être élu. Je trouvais donc cohérent de m’attaquer à ce sujet.
Sur le plan de la forme, j’ai mené depuis plusieurs années un travail approfondi sur les blogs, dans des articles, à la radio, sur l’actualité su sarkozysme culturel. Il m’est alors apparu utile, pour moi et je l’espère pour ceux qui me liront, de dire sous une forme un peu plus engagée que dans mes précédents ouvrages, ce qui s’est passé depuis cinq ans en matière de culture sous Sarkozy, mais aussi de laisser entrevoir comment le président allait tenter de se faire réélire en 2012 en utilisant aussi, pas seulement mais aussi, la culture, le débat d’idées, son rapport aux médias et sa forme de communication.