Nouveau défi pour les éditions Tristram, qui consolideront en janvier le catalogue de leur nouvelle collection, “Souple”. Lancée en novembre avec quatre premiers titres éclaireurs (dont l’épique édition intégrale de Tristram Shady), la collection s’enrichira de quatre nouveaux volumes dès le 3 janvier 2013. Avec “Souple”, l’un des éditeurs les plus indépendants de France s’attaque au marché très convoité du livre de poche. Pas question toutefois pour la maison, habituée aux défis éditoriaux, de simplement rééditer les fondamentaux de son catalogue. Tristram explique que le design des ouvrages n’est rien de moins que « la forme que nous donnerions à nos livres si nous commencions aujourd’hui l’aventure de Tristram ». Les ouvrages, d’un format légèrement supérieur à un poche habituel, sont avant tout un défi graphique. Basés sur une charte signée Thierry Dubreuil, auquel l’on doit les couvertures de nombreux grands formats de l’éditeur, les ouvrages sont d’une épure qui tranche avec les ouvrages de poche des poids lourds du secteur. Une simplicité qui se met au service du texte, avec la publication d’ouvrages souvent inconnus du public des poches. Sans oublier le facteur essentiel du prix, fixé entre 5,90 € et 11,95 € pour les parutions de début d’année. Les quatre volumes à paraître en janvier devraient faire leur petit effet. Après Lawrence Sterne et Mark Twain, c’est au tour de deux autres auteurs-phares du catalogue Tristram d’entrer en scène.J.G. Ballard revient avec la réédition du récent Sauvagerie, mais également une nouvelle édition du recueil de nouvelles Vermillon sands, augmentée d’un long inédit écrit en 1955. Nouvelle édition également pour le premier recueil culte des chroniques rock de Lester Bangs, Psychotic reactions et autres carburateurs flingués, augmenté de plusieurs textes inédits dans un volume de près de 600 pages. Enfin, l’éditeur dévoile en poche l’un des textes essentiels de la romancière française Céline Minard, Bastard battle, originellement paru chez Léo Scheer en 2008. Douze ouvrages par an sont annoncés pour la collection “Souple”. Dès le mois de mars, quatre nouveaux titres sont annoncés, dont un signé Patti Smith et l’essai sur Fukushima de William T. Vollmann. Sans oublier une réédition dont le buzz est déjà énorme : Hollywood babylone du cinéaste expérimental Kenneth Anger, ancêtre de la presse people situé à l’âge d’or d’Hollywood. L’ouvrage, d’abord écrit en français et paru en 1959 chez Pauvert, a été réédité dans les années 70 par Régine Desforges, mais n’est jamais reparu depuis. Faisant ainsi flamber à plusieurs centaines d’euros le prix des rares exemplaires restant en circulation. Nul donc que cette nouvelle édition, annoncée à 12 €, devrait s’arracher parmi les centaines de fans français du livre, qui ont souvent dû se contenter d’une édition poche américaine. On en reparle très vite. Lire la suite →
De nombreux auteurs américains de premier plan devraient faire l’événement cette rentrée. C’est évidemment le cas du regretté David Foster Wallace, dont l’ultime et imposant roman, Le roi pâle, parait chez Au diable Vauvert un an et demi à peine après sa sortie américaine. Co-finaliste avec Wallace du prix Pulitzer 2012 (non attribué pour cause de choix impossible du jury), la très prometteuse Karen Russell dévoile son premier roman, Swamplandia (Albin Michel), une critique acérée de l’économie du divertissement à travers le quotidien d’un parc d’attractions en faillite. Très attendu aussi, le nouveau livre de Jim Harrison, Grand maître (Flammarion), l’enquête d’un inspecteur proche de la retraite, accompagné d’une acolyte de seize ans, au cœur d’une secte hédoniste installée à quelques kilomètres de chez lui. Un recueil de poèmes de l’auteur de Légendes d’automne, Une heure de plus ou de moins (Flammarion), paraît également le même jour. Indétrônable taulier de la rentrée littéraire, Philip Roth revient avec Némésis (Gallimard), le récit d’un athlète confronté à une épidémie de polio pendant l’été 44. Richard Powers s’attaque à la crise financière et au capitalisme dans Gains (Cherche-Midi/Lot 49), épais volume sur l’histoire d’une multinationale du savon. Chuck Palahniuk change d’éditeur français et nous plonge dans les arcanes d’un gigantesque gang-bang dans Snuff (Sonatine), bref roman traduit par Claro. On découvrira également le très remarqué dernier roman de Jennifer Egan, Qu’avons-nous fait de nos rêves ? (Stock), roman choral dans les milieux du rock new-yorkais qui a remporté en 2011 le prix Pultizer et la National Book Award. Son co-finaliste au Pultizer 2011, Jonathan Dee, revient, un an et demi après Les privilèges, avec La fabrique des illusions (Plon), une chronique des désillusions du monde de la pub dans les années 80. Retour attendu également pour Nick Flynn, six ans après le remarqué Encore une nuit de merde dans cette ville pourrie (dont l’adaptation cinéma sort en France le 5 novembre, sous le titre Monsieur Flynn). Dans Contes à rebours (Gallimard), l’auteur poursuit la réflexion sur son parcours à l’annonce de son premier enfant, et sa légitimité de père dans un monde post-11 septembre. Neuf mois seulement après sa publication remarquée de son roman Richard Yates, Tao Lin est de retour dans la collection VoX avec un petit livre de poésie contemporaine, Théorie cognitive du comportement (Au diable Vauvert). Après le très remarqué Féroces, Robert Goolrick revient avec Arrive un vagabond (Anne Carrière), déjà auréolé du Prix Virgin, dans lequel l’auteur suit l’arrivée d’un homme mystérieux dans un petit village des Etats-Unis. Après Je ne suis pas un serial-killer, Dan Wells poursuit sa trilogie consacrée à John Wayne Cleaver avec Mister Monster (Sonatine), dans lequel le personnage découvre sa vraie nature. De son coté, Bill Clegg poursuit, après Portrait d’un fumeur de crack en jeune homme, le récit de sa désintoxication dans 90 jours (Jacqueline Chambon). Après Spin et Axis, on découvrira le dernier acte de la trilogie S.F. de Robert Charles Wilson avec Vortex (Denoël). Autre texte de science-fiction très attendu, Robopocalypse (Fleuve Noir), odyssée robotique signée du chercheur et romancier Daniel H. Wilson, qui sera adaptée au cinéma par Steven Spielberg en 2014. De son coté, le Yougoslave immigré aux Etats-Unis Aleksandar Hamon, auteur du gigantesque Projet Lazarus, nous livre avec Amour et obstacles (Robert Laffont) un recueil de nouvelles fortement autobiographiques, hantées par la guerre en Bosnie et la découverte de l’écriture. Autre auteur immigré aux Etats-Unis, le Libanais Viken Berberian publie également un roman habité par la guerre du Liban. Après la formidable Das Kapital, Le cycliste (Au diable Vauvert) nous plonge dans les rouages d’une organisation terroriste opérant au Moyen-Orient. Lire la suite →
Avis aux amateurs du grand David Foster Wallace : Infinite jest est de retour dans le radar des éditeurs français. Dans leur numéro de cette semaine, Les Inrocks confirment que la traduction du livre-culte du grand DFW, paru en 1996 aux Etats-Unis et considéré comme l’un des meilleurs romans de tous les temps, est désormais aux mains des excellentes Editions de l’Olivier. Les droits français du texte sont restés plusieurs années entre les mains de l’éditeur gardois Au diable Vauvert, qui a publié tous les autres textes de l’auteur et fait paraître cette rentrée son ultime texte inachevé, Le roi pâle. Néanmoins aucune version française ne s’était concrétisée, malgré les demandes répétées des nombreux fans de l’auteur chez les journalistes littéraires. Toute personne ayant tenu entre les mains le livre original en comprendra sans peine les raisons : outre l’incroyable complexité du texte original qui peut faire reculer les traducteurs les plus aguerris, restait à résoudre le défi logistique de produire et distribuer un livre dépassant les 1500 pages de grand format, pas forcément compatible avec les standards de l’éditeur. Olivier Cohen, fondateur des Editions de l’Olivier, explique dans Les Inrocks que ce sont deux des auteurs et amis de Wallace, dont il assure la publication française, Jay McInerney et Jonathan Franzen (qui se considérait comme le « frère » de DFW), qui l’ont « exhorté » à publier le livre. Cohen assure avoir eu un vrai coup de foudre pour le texte : « A part Kafka, je n’ai rien lu d’aussi fort qu’Inifinite jest sur la façon de sortir de soi, de sortir de l’univers superficiel pour accéder à quelque chose de plus profond, à un espace intérieur ». Pour rendre les innombrables nuances du texte original, il fallait impérativement une “pointure” de la traduction. Sans recourir aux noms les plus connus du genre (Claro, Matthieussent, Anne Wicke, Nicolas Richard ou encore Charles Recoursé, auquel l’on doit les versions françaises de La fonction du balai et Le roi pâle), les Editions de l’Olivier ont confié le texte à Francis Kerline, dont elles ont publié de nombreuses traductions. Kerline est associé à deux autres majeurs de L’Olivier, Jonatham Lethem et Will Self, et a assuré l’adaptation française de livres aussi variés que Chronic city, No smoking, Dorian, ou encore La zone d’inconfort de Jonathan Franzen et Croc-Blanc de Jack London. Une bibliographie solide qui permettra à Kerline d’affronter tant l’ampleur que le côté satirique d’Infinite Jest. Inutile néanmoins de programmer la version française d’Inifinite jest dans vos achats immédiats, puisque les Editions de l’Olivier ne prévoient pas de parution avant le « début 2014 ». Espérons que l’éditeur marchera dans les pas de l’éditeur allemand Kiepenheuer & Witsch Verlag, qui publia en 2009 une sublime édition de l’ouvrage (photo ci-contre), et l’une des trois uniques traductions du texte en langue étrangère (avec l’italien et l’espagnol). Lire la suite →
Les névroses de l’époque sont également un sujet de prédilection des auteurs. Pascal Quignard analyse les mécanismes de la dépression nerveuse dans Les désarçonnés (Grasset), septième tome de sa série Dernier royaume. Christophe Donner s’attaque lui à la folie des hommes pour le jeu d’argent à travers les époques dans un ambitieux A quoi jouent les hommes ? (Grasset), somme de 500 pages traversant les époques, de la création du pari mutuel à la folie du PMU. Sur un ton plus léger, Philippe Delerm proposera à ses nombreux fans une nouvelle gorgée de bière avec Je vais passer pour un vieux con (Seuil), sous-titré « Et autres petites phrases qui en disent long », dans lequel l’auteur confessera dans de courts textes ses irritations et emballements du moment. Mauvaise humeur aussi pour Jean-Louis Fournier, auteur à succès de Où on va, Papa ?, qui publie Ça m’agace (Anne Carrière), recueil de petites phrases synthétisant les nombreux motifs de mécontentement de ce vainqueur du Prix Femina, des ravages des mites aux retards de la SNCF. Sorti des addictions qui nourrissaient son précédent livre à succès, Un léger passage à vide, Nicolas Rey tente lui de raconter dans de brefs chapitres sa nouvelle histoire sentimentale dans L’amour est déclaré (Au diable Vauvert), librement inspiré du feuilleton radiophonique de l’auteur diffusé sur France Inter. Dissimulé sous le pseudonyme de Pit Agarmen, le romancier et essayiste Martin Page revient nous plonger dans un univers radicalement différent de son oeuvre. Dans La nuit a dévoré le monde (Robert Laffont), Agarmen place un écrivain survivant dans un monde dévasté où les humains se sont transformés en zombies ! On l’a dit, l’actualité récente ou passée vient aussi largement nourrir les auteurs de cette rentrée, les journaux télévisés se transformant en sources vivaces d’inspiration. Impossible de ne pas citer au premier plan le deuxième roman de l’auteur de HHhH, Laurent Binet, inspiré la série TV The west wing (A la maison blanche), qui a suivi au quotidien la campagne présidentielle de François Hollande en marchant dans les pas du journalisme gonzo de Hunter S. Thompsn, pour le très attendu Rien ne se passe comme prévu (Grasset). Le texte s’accompagnera de plusieurs autres ouvrages de journalistes sur le nouveau Président et sa compagne, parmi lesquels on retiendra La favorite (Fayard), document consacré à Valérie Trierweiler et signé de Laurent Greilsamer, reporter au Monde. De son côté, Mazarine Pingeot a profité de la campagne de François Hollande pour livrer son journal dans Bon petit soldat (Julliard), dans lequel l’auteur raconte sa vie fille cachée de François Mitterrand et du scandale médiatique et politique qui en a découlé. Deux ans et demi après le formidable Quai de Ouistreham, Florence Aubenas revient avec un nouveau document-choc, La banlieue quand elle ne brûle pas (L’Olivier), pour lequel la journaliste a vécu en immersion pendant douze mois parmi les habitants des cités de Nanterre. Toujours en prise avec l’actualité récente, Stéphane Zadganski a choisi de traiter l’affaire DSK dans son nouveau roman, Chaos brûlant (Seuil), en la faisant commenter par les fous internés dans un asile de Manhattan, au mois de mai 2011. Dans un autre domaine, Matthias Enard a choisi lui de mettre en scène l’espoir des milliers de jeunes ayant fait le printemps arabe dans son nouveau roman, Rue des voleurs (Actes Sud). Enfin, Fabrice Humbert vient exposer, après les succès de L’origine de la violence et La fortune de Sila, les affres de la mondialisation dans Avant la chute (Le Passage), basé sur les destins de trois familles, en Amérique latine et en banlieue de Paris. Lire la suite →
La théorie de l’information de Aurélien Bellanger Présentation de l’éditeur La Théorie de l’information est une épopée économique française. De l’invention du Minitel à l’arrivée des terminaux mobiles, de l’apparition d’Internet au Web 2.0, du triomphe de France Télécom au démantèlement de son monopole, on assistera à l’irruption d’acteurs nouveaux, souvent incontrôlables. La Théorie de l’information est l’histoire de Pascal Ertanger, le plus brillant d’entre eux. Adolescent solitaire épris d’informatique, il verra son existence basculer au contact de certains artefacts technologiques : éditeur de jeux en BASIC, pornographe amateur, pirate récidiviste et investisseur inspiré, il deviendra l’un des hommes les plus riches du monde. La Théorie de l’information raconte aussi comment un article scientifique publié en 1948 a révolutionné l’histoire des télécommunications et fait basculer le monde dans une ère nouvelle, baptisée Âge de l’information. Pascal Ertanger s’en voudra le prophète exclusif. La Théorie de l’information évoque enfin le destin d’une planète devenue un jouet entre les mains d’un milliardaire fou. © Editions Gallimard, 2012 La théorie de l’information de Aurélien Bellanger Première page du livre PROLOGUE Les milliardaires furent les prolétaires de la posthumanité. Objets de curiosité et de haine vivant reclus dans des capsules de survie étanches, ils virent l’humanité s’éloigner d’eux sans réparation possible. La procédure d’extraction était irréversible. N’appartenant plus au genre humain, dont ils avaient épuisé les ressources morales, mais demeurant mortels, justiciables et stériles, ils connurent des moments d’extrême fragilité et de mélancolie douloureuse. La plupart attendirent la mort comme une consolation. Seuls quelques-uns, mieux préparés au voyage, perçurent leur richesse comme un signe d’élection. Le premier de ces milliardaires posthumains fut probablement John Davison Rockefeller, l’homme le plus riche de son temps, peut-être de tous les temps. Le pétrole, extrait, raffiné et transporté par sa compagnie monopolistique, la Standard Oil, alimenta les moteurs à combustion interne qui firent des États-Unis la première puissance mondiale. Quand des lois antitrust démantelèrent son empire, Rockefeller reconstitua un quasimonopole dans l’éducation, les soins et la culture, en fondant dans le monde entier des universités, des hôpitaux et des musées. Ces investissements humanistes correspondent assez mal à ce que l’on sait de Rockefeller, qui avait jusque-là été considéré comme un homme d’affaires brutal et qui, presque autodidacte, n’était ni un mécène, ni un collectionneur — il ne se soignait en outre que par l’homéopathie. On peut en ce sens considérer la philanthropie de Rockefeller comme une expérience biologique à grande échelle menée sur l’espèce qui l’avait vu naître, et qui lui était devenue étrangère. À l’autre extrémité du siècle, Bill Gates inventa, organisa et monopolisa le marché du logiciel informatique. La compagnie Microsoft fit bientôt de lui l’homme le plus riche du monde. Il créa à son tour une fondation philanthropique, dont les programmes de vaccination, d’éradication des maladies endémiques et de lutte contre la mortalité infantile devaient avoir un impact démographique majeur. Bill Gates s’était ainsi peu à peu transformé en éleveur. À la même époque, George Soros, un financier messianique, s’occupait de la formation morale et politique de cette humanité future. Né à Budapest en 1930, il fut, selon la volonté de son père, l’un des seuls êtres humains à se voir enseigner l’espéranto comme langue maternelle. Juif, il connut les persécutions nazies, puis les débuts de la dictature communiste, avant d’émigrer vers les États-Unis où il commença une brillante carrière de spéculateur. Mais il était avant tout philanthrope, et s’employa, après la chute du mur de Berlin, à créer des dizaines de fondations dans les anciens pays communistes: ce nation building visait à les protéger à jamais de la dictature, en les transformant en Venise libérales et florissantes bâties sur pilotis au-dessus de l’Histoire. Intellectuel milliardaire, Soros ne défendit jamais qu’une seule thèse, optimiste, rationnelle et universaliste : l’âge des révolutions historiques étant achevé, seules des révolutions scientifiques et techniques pouvaient désormais se produire. Lire la suite des premières pages sur le site de Gallimard © Editions Gallimard, 2012 Lire la suite →