Interview Craig Thompson : « L’énergie de la calligraphie arabe et des arts orientaux sont à l’origine d’Habibi »
Il y a huit ans, Craig Thompson apparaissait dans le paysage de bande-dessinée avec Blankets, manteau de neige, un énorme album autobiographique de près de 600 pages, paru en mars 2004 chez Delcourt. Véritable chef d’œuvre sensible et innovant, le livre place immédiatement son auteur parmi les auteurs les plus en vue du neuvième Art. Publié dans de nombreux pays, il connaît un réel succès public, à l’inverse du premier album de l’auteur (Adieu, Chunky Rice), passé inaperçu.
Afin de faire la promotion de son livre, Thompson se lance dans une tournée mondiale dont il tirera un carnet de voyage dessiné, Un Américain en ballade, qui paraît l’année suivante. Le livre rencontre un succès public plus modéré, mais renforce la certitude du talent de Thompson chez les fans. Au cours de cette tournée, l’auteur visite le Maroc et se familiarise avec la culture islamique. Il a un coup de foudre pour l’art et la calligraphie orientaux, qui seront le terreau de son nouvel album.
Habibi, qui paraît aujourd’hui dans une sortie mondiale digne des plus grands, est le résultat de ce travail. C’est un album phénoménal, tant dans son ampleur (plus de 670 pages), que dans le talent qui y est déployé. Virtuose du pinceau, Thompson mélange avec une incroyable habilité l’imagerie orientale avec un dessin proche de la ligne claire. De très nombreuses pages laissent pantois par leur complexité et l’ingéniosité de leur construction. Mais cette intelligence du dessin reste toujours au service d’une histoire très complexe, mêlant le destin de deux personnages frappés par le destin, avec l’illustration de textes sacrés tels que le Coran.
Situé de nos jours dans un pays d’orient non identifié, Habibi narre l’histoire d’amour entre deux enfants esclaves, réunis par leur évasion commune. Adolescente, Dodola s’évade d’un camp en emmenant avec elle le petit Zam. Tous deux vivent pendant neuf ans dans un bateau échoué en plein désert, trouvant péniblement de quoi boire et manger. De relation fraternelle, leurs rapports se complexifient alors que Zam entre dans la puberté, et tombe amoureux de Dodola. Lorsque celle-ci est enlevée dans une tribu pour intégrer un harem, leur séparation se transforme en calvaire pour eux deux.
D’une construction très complexe, Habibi mélange les itinéraires séparés de ses protagonistes avec de longs flash-backs, ainsi que l’illustration de passages du Coran qui servent à l’éducation de Zam. Pourtant, le lecteur n’est jamais perdu entre ces différents passages, grâce à des dispositifs graphiques parfaitement mis en scène par l’auteur. C’est probablement cette ingéniosité et la virtuosité déployée dans le dessin qui ont permit à Habibi de recevoir un accueil international dithyrambique : le site critique littéraire The Millions a même assuré que le livre était « La plus grande histoire jamais dessinée ».
Lors de la parution américaine de Habibi en septembre dernier, le site-référence Comic-Book Resources avait rencontré Craig Thompson. Culture Café vous propose de découvrir la traduction de larges extraits de cet entretien-fleuve, au cours duquel Thomson revient sur sa carrière, les inspirations et la création d’Habibi, et dévoile un peu de ses futurs ouvrages.
« Habibi » de Craig Thompson, Ed. Casterman, 672 pages, 24,95 €