Logicomix, logique outsider du festival d’Angoulême
Le festival de la bande-dessinée d’Angoulême, qui ouvre aujourd’hui, récompensera dimanche soir le meilleur album paru en 2010. Présidé par Baru, le jury aura fort à faire avec les 58 albums en compétition, qui comporte comme chaque année ses grands favoris et ses outsiders.
Afin d’illustrer le festival, nous avons choisi l’un de ces outsiders : Logicomix. Créé par quatre auteurs grecs, Apostolos Doxiadis, Christos Papadimitriou au scénario, accompagnés de Alecos Papadatos et Annie Di Donna au dessin, cet album pas comme les autres a créé un petit phénomène en 2009 et 2010. Son concept ? Retracer la quête de la vérité absolue de la logique, à travers la pensée scientifique, de la fin du XIXe siècle à la seconde guerre mondiale.
Après un véritable carton dans les pays anglo-saxons et une traduction dans quinze langues, le livre est paru en mai dernier chez Vuibert, un éditeur plus connu dans les domaines scientifiques et éducatifs que dans la bande-dessinée. Malgré ce, plus de 15 000 exemplaires ont été écoulés en France, score que de nombreux albums indépendants rêveraient d’atteindre.
A album atypique, critique atypique : nous avons fait lire Logicomix à un professeur de sciences, afin de recueillir une opinion autorisée sur le livre. Voici son texte.
Qui mieux que deux auteurs Grecs et leurs dessinateurs auraient pu nous plonger au cœur de la Logique ? Contée depuis Aristote jusqu’à Bertrand Russel en passant par Euclide, Socrate, Poincaré, Hilbert et autre Bool…
La logique où philosophes et mathématiciens se retrouvent. La logique qui permet de suivre les étapes de l’Orestie d’Eschyle. La logique où se sont exprimés tant de savants. Y a-t-il une malédiction qui poursuit ces logiciens à la recherche de l’ultime absolu ? Trop ont fini leurs jours en asile psychiatrique !
Les auteurs nous font revivre l’histoire de ces mathématiciens qui doivent publier à compte d’auteur leur ouvrage “essentiel” pour l’humanité sur un “système fondateur”, alors qu’ils savent n’en avoir pas trouvé les fondements. Ou d’autres qui, en quête de l’absolu, accomplissent une œuvre “monumentale” pour tenter d’aller à la base de la base, au fond des fonds, et arrivent à une “découverte renversante” : prouver que 1 + 1 = 2, le tout rédigé en 362 pages !
Histoire, philosophie, logique. Tout au long de Logicomix, les auteurs montrent qu’il n’existe pas de voie royale pour la vérité. Une réflexion purement logique des individus n’a pas permis d’éviter les grandes catastrophe humaines, telles que Staline ou Hitler.
Le médium de la bande-dessinée permet aux auteurs d’alléger le texte, de rendre accessibles à ceux que rebutent les sciences, les questions de fond qui fascinent l’humanité, et la longue marche de la quête de l’absolu qui permettrait d’atteindre le Graal.Jean-Maris Greuet
« Logicomix » de Apostolos Doxiadis, Christos Papadimitriou, Alecos Papadatos et Annie Di Donna, éditions Vuibert, 352 pages, 22,50 €.