Savoir perdre, odyssée intime d’une famille madrilène
Savoir perdre. David Trueba n’aurait pas pu trouver titre plus approprié pour qualifier l’accueil de son nouveau roman dans une rentrée littéraire qui a, plus que jamais, fait place aux noms les plus prometteurs du marché. Car si l’on a bien lu ici ou là sur Internet quelques critiques enthousiastes, les quotidiens et magazines nationaux qui “font” encore la vraie réputation d’un livre – et lui assurent des ventes confortables – sont restés plus que discrets sur un livre qui mérite, assurément, un soutien sans faille.
Pour son troisième roman paru en France, David Trueba prouve en effet qu’il est l’un des auteurs espagnols les plus prometteurs du moment. De ceux qui savent transformer les petits riens du quotidien en objets littéraires de choix. Car Savoir perdre ne fait qu’une chose et une seule : suivre en 440 pages serrées le quotidien d’une famille madrilène ordinaire, frappée comme toute autre par les petits bonheurs et les vrais faux-pas de la vie. Et réussit par son brio à dessiner en creux un magnifique portrait intime de l’Espagne, sinon de l’Europe d’aujourd’hui.
Savoir perdre est centré sur le personnage de Sylvia, 16 ans. Une adolescente abandonnée par sa mère, qui vit avec son père Lorenzo. Brisé par la séparation, l’homme s’enfonce peu à peu dans la marginalisation. Renvoyé de l’affaire qu’il a créé, il porte le lourd secret de la vengeance : il vient de tuer Paco, son ancien associé et meilleur ami, qui l’a arnaqué. Il doit également faire face à la maladie de sa propre mère. Une épreuve douloureuse qui fait plonger le grand-père, Leondro, dans une folie irresponsable. Il tombe fou amoureux d’une prostituée, et dilapide les économies de la famille dans ses quotidiennes visites à l’hôtel de passe où elle travaille.
Renversée par une voiture, Sylvia se casse une jambe. A l’hôpital, elle reçoit la timide visite de l’automobiliste fautif. C’est Ariel, une star montante du foot argentin, qui vient d’être embauché à Madrid. Entre les deux jeunes naît progressivement une relation amoureuse. Mais ils doivent vivre leur histoire en secret. Éloigné de sa famille et son pays, Ariel panique, et ne tient pas ses promesses sur le terrain. Sylvia doit entrer à contrecœur dans le rôle de la petite amie secrète d’une star. Pour le meilleur et pour le pire.
Scénariste et réalisateur de renom, David Trueba apparaît au générique de nombreux films espagnols, dont plusieurs de son frère, Fernando Trueba. Il co-signe également le scénario d’un des films espagnols les plus fous de ces dernières années, Le jour de la bête de Alex de la Iglesia. Cette carrière cinématographique n’est cependant nullement un fardeau dans son travail d’écrivain. Si l’on retrouve dans Savoir perdre le potentiel d’un grand film intimiste, le livre bénéficie néanmoins d’un véritable souffle littéraire. Chez Trueba, le mot est toujours juste, mais sait rester modeste. Le tour de force reste dans sa construction, souvent impressionnante, qui mêle avec brio quotidien et grandes questions, sans jamais forcer le trait. Magnifique odyssée intime, Savoir perdre est probablement la plus belle révélation étrangère de cette rentrée.
« Savoir perdre » de David Trueba, traduit de l’espagnol (Espagne) par Anne Plantagenet, éditions Flammarion, 442 pages, 21 €.
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