Nevrospiral, portrait inachevé des maux du siècle
La littérature française peut-elle, oui ou non, produire un roman moderne, énervé et abouti à la manière de ce qu’ont donné des auteurs américains tels que Bret Easton Ellis ou Jay McInerney ? La question, si tant est qu’elle ait un sens, se pose depuis de nombreuses années. Beaucoup de critiques ont déjà considéré Nevrospiral, le premier roman de Patrick Olivier Meyer, comme une réponse fulgurante à cet “angoissant” problème. Si ces considérations enflammées semblent quelque peu dues à l’euphorie provoquée par chaque rentrée littéraire, il n’empêche que ce premier opus, s’il n’a que peu de rapport avec les auteurs précités, est un texte hors normes dans notre production nationale.
Quatre personnages, présentés avec le ridicule de certaines quatrièmes de couvertures comme « les quatre couleurs d’une palette pop » (comprenne qui pourra) sont au cœur du livre. Ian, 29 ans, est obsédé par les blondes à la chevelure flamboyante, mais vit malheureux avec une brunette. Un paradoxe qui le pousse à bout. Richard est une rock-star revenue de tout qui se retrouve coincé dans sa chambre avec une groupie blonde. Samuel, un jeune homme angoissé que son psy envoie à Detroit, s’y retrouve perdu au point d’envisager sérieusement le meurtre de sa première blonde. Enfin, Anita, une blonde incendiaire, vit ses journées dans l’angoisse de résultats d’analyses, qui pourraient lui relever la présence d’une tumeur au cerveau. Outre leurs rapports divers avec la blondeur, tous les quatre n’ont qu’un point en commun : ils prennent du Nevrospiral, un médicament mystérieux dont on ne connaîtra jamais les maux qu’il soigne réellement.
Quatre personnages, quatre univers, quatre angoisses que Patrick Olivier Meyer révèle avec une construction linéaire abolissant les chapitres. Une tranche de vie d’un personnage succède à l’autre, avec une seule ligne blanche pour intervalle. D’une écriture nerveuse, composée de phrases courtes abolissant les fioritures, l’auteur nous plonge dans ces maux du siècle. Cette construction est à la fois la force et la faiblesse du livre. S’il ne laisse aucune place à l’ennui et rapproche autant que possible le livre d’une structure cinématographique, ce parti-pris éloigne cependant le livre d’une véritable puissance littéraire, les personnages n’étant réellement développés que par bribes, sans cohésion réelle. C’est en cela que Meyer élude toute comparaison possible avec un Ellis ou un McInerney qui, avant d’être érigés en symboles de leur génération, sont avant tout de grands auteurs, aux qualités littéraires indiscutables.
Co-scénariste il y a treize ans d’un OVNI cinématographique oublié, Barracuda de Philippe Haim, Patrick Olivier Meyer se retrouve aujourd’hui dans la position avantageuse mais délicate d’un écrivain hors normes. Comme une montée subite d’adrénaline, son premier roman procurera probablement un bonheur certain à des lecteurs en quête de sensations fortes. Grâce à cela, Nevrospiral trouvera sûrement son public dans le torrent des 701 parutions de cette rentrée. Pour s’assurer d’une révélation littéraire, mieux vaudra attendre la lecture d’un deuxième texte.
« Nevrospiral » de Patrick Olivier Meyer, éditions Calmann-Lévy, 260 pages, 17 €. Parution le 18 août.
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