Schuhl et Vollmann, deux errances dans les entrailles de Paris
Quelques mois à peine l’édition française de son Livre des violences (et du monumental Imperial aux États-Unis), William T. Vollmann offre aux lecteurs français la toute première édition de Étoile de Paris. Commencé en 2004 lors du séjour promotionnel de l’auteur pour le sortie de La famille royale, ce “poème” de 80 pages a été terminé il y a deux ans. Magnifiquement édité et brillamment traduit par Claro, le livre est fortement inspiré par les écrits du Comte de Lautréamont, auteur favori de Vollmann. Parsemé de photos et de dessins de l’auteur, on y découvre un Paris outrageusement sexué, dans lequel erre l’écrivain, en proie à la douleur de « l’amour perdu », à la recherche de son Étoile de Paris.
« Comme c’était rafraîchissant ! Boulevard Saint-Germain, les grilles ondulées sur le trottoir, avec dessous les lumières du Métro et du gravier, me révélaient les dangers de l’enfer. La braise rouge d’une cigarette s’engouffra sauvagement par les mailles du grillage. Encore une étoile qui tombait ! (…) Paris promettait de m’enivrer d’été et de café, afin que j’oublie mon Étoile. Paris m’offrait des spectacles devant des tentures étoilées. Paris se pliait en quatre pour me surprendre avec des orgasmes de sucre et de beurre. L’amour mort me hantait-il ? Paris m’ouvrait ses cuisses, elle était prête à tout, elle me tendait ses bras et ses jambes ! Une gracieuse Parisienne dotée d’une bouche étrangement mobile s’était mise à me poursuivre, elle agitait ses longs doigts nerveux, et tournait, tournait, incroyablement pâle, cherchant à me toucher, à m’étreindre. »
Là encore, inutile de chercher un lien entre le livre et l’œuvre précédente de Vollmann. Ce texte, entièrement dévolu à la souffrance intime, ne peut pourtant se résumer à un écart dans la carrière d’un auteur d’ordinaire absorbé par les faits du réel. Bien que très difficile d’accès, Étoile de Paris est un texte qui s’aventure sur les versants les plus sombres de l’humain, quelque part entre jouissance charnelle et noirceur de l’âme.
« Entrée des fantômes » de Jean-Jacques Schuhl, Éditions Gallimard, 190 pages, 13,90 €
« Étoile de Paris » de William T. Vollmann, traduit de l’américain par Claro, Éditions Actes Sud, 80 pages, 15 €
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