L.A. Story, chaudes et sombres journées dans la cité des anges
Disons-le d’emblée : L.A. Story est un livre stupéfiant. Car pour son troisième roman, l’auteur très contesté James Frey réalise un véritable tour de force. Après avoir créé une des plus importantes impostures littéraires de ces dernières années, l’écrivain réussit ici à livrer un ouvrage quasiment unique sur Los Angeles. Une gageure loin d’être gagnée d’avance, étant donné le nombre d’ouvrages écrit sur la cité des anges et ses excès. Au point que l’on peut regretter que l’éditeur français ne se soit pas un peu plus cassé la tête pour le titre, alors que l’intitulé original, Bright shiny morning, était beaucoup plus mystérieux et poétique.
La réussite du livre tient en premier lieu à sa forme. L.A. Story met en effet en parallèle trois types de récits. Le premier est une histoire purement factuelle de Los Angeles, composé de dates-clés de la ville entre sa création en 1781 et l’an 2000. Chaque événement est décrit avec des textes descriptifs et très brefs, le reste de la page étant laissé vide. La deuxième strate du livre est composée de chapitres d’une dizaine de pages au plus, dans lequel des personnages de fiction évoluent en parallèle dans le Los Angeles d’aujourd’hui. Plusieurs dizaines de caractères s’y croisent, mais les chapitres sont focalisés sur quatre récits. On y suit Amberton et Casey, un couple marié de superstars toutes deux homosexuelles en privé. Viennent ensuite Maddie et Dylan, un jeune couple ayant fui sa ville natale, qui tente de survivre à L.A. grâce à de petits boulots. Puis l’on croise Esperanza, une jeune latino-américaine brillante et ambitieuse, dont le quotidien va la pousser à devenir femme de ménage. Enfin, Vieux Joe est un sans domicile fixe vivant dans les toilettes d’une plage, qui va tenter de sauver une adolescente perdue. La dernière ligne de narration est composé de listes des “faits les plus drôles” ou “terribles” de la ville.
Contrairement à sa description, les récits de L.A. Story sont limpides à la lecture, car la construction du livre est débarrassée de toute fioriture. Le style employé par Frey est limpide et rapide, au point parfois de se passer de ponctuation. Tous ces ingrédients permettent à l’auteur de réussir un portrait saisissant de Los Angeles qui, sans jamais tomber dans l’angélisme des 300 jours de soleil par an, met au contraire en évidence toutes les faces cachées de la ville, ses pires excès et inégalités, sans pour autant oublier qu’elle reste l’une des mégapoles les plus attractives au monde.
Le premier roman de Frey, Mille morceaux, fut présenté par l’auteur comme une autobiographie alors qu’il était une fiction. Cette imposture donna à l’époque matière à un scandale médiatique comme l’édition en connu peu ses dernières années, obligeant l’éditeur américain à proposer un remboursement aux lecteurs. Pour L.A. Story, Frey se garde bien de se vanter de quelconque véracité des récits romancés. Mais la justesse des personnages nous laisse néanmoins imaginés qu’ils sont inspirés d’individus de chair et de sang rencontrés par Frey, la longue liste des remerciements venant étayer cette thèse. C’est aussi cette patine de la réalité qui donne au livre toute sa texture, et permet au lecteur de se plonger dedans à corps perdu. Difficile de lâcher L.A. Story une fois qu’on l’a commencé, ce qui est en général le premier signe d’un livre réussi. Celui-ci en présente beaucoup d’autres.
« L.A. Story » de James Frey, traduit de l’Anglais (Etats-Unis) par Constance de Saint-Mont, Editions Flammarion, 500 pages, 21 €
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2 réponses à “L.A. Story, chaudes et sombres journées dans la cité des anges”
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C’est le premier de la rentrée littéraire dans lequel je suis plongé en ce moment même. Et c’est un régal.
La suite sous peu…