L’incendie du Hilton, fumée noire entre les lignes
Avec son nouveau livre, François Bon prouve s’il en était encore besoin à quel point la littérature tient parfois à peu de choses. Plus habitués aux vastes romans et biographies, l’auteur revient très brièvement dans L’incendie du Hilton sur une mésaventure qui lui est arrivée récemment. Une initiative hasardeuse dont l’auteur aurait certainement pu s’abstenir.
22 novembre 2008. Dans les sous-sols de l’Hôtel Hitlton Bonaventure de Montréal se déroule le salon du livre. Plusieurs dizaines d’auteurs français y participent, logés dans les étages supérieurs du bâtiment. En pleine nuit, un court-circuit occasionne quelques fumées noires, et l’alarme incendie retentit. Les écrivains sont forcés à évacuer les lieux, mélangés aux autres occupants des chambres. Commencent pour eux quatre heures d’errance dans la nuit québécoise, entre les bancs glacés d’une patinoire ouverte pour l’occasion et le comptoir surchauffé d’un pub proposant ses bières toute la nuit.
On aborde L’incendie du Hilton par une double maladresse. La première est due à l’éditeur, dont on constate une fois encore combien l’emphase utilisée dans les quatrièmes de couverture peut être nuisible à l’ouvrage. En l’occurrence, on annonce ici que L’incendie du Hilton est « le grand retour de François Bon au roman ». Mauvaise pioche : le livre est en effet tout sauf un roman, sauf si l’on fourre dans le genre tout ce qui est difficilement classable. Un essai, un journal, un document peut-être, mais certainement pas un roman. Ce genre indéfinissable est probablement le principale qualité et le défaut majeur du livre.
Autre mot malheureux, pour lequel François Bon ne peut blâmer que lui-même. Il ambitionne de raconter dans son livre en temps réel sa mésaventure. « quatre heures vécues, quatre heures à lire », peu ou prou, à supposer encore que l’on lise très lentement, puisque 180 pages écrites gros peuvent être lues en une petite heure. Lorsque Bon expose au début du livre son projet à un « vieil écrivain » présent au Salon, celui-ci lui répond tout de go : « Franchement, faire un livre avec ça ? (…) Mais quoi, quelques bourgeois qu’on dérange, et attendent à quelques centaines de mètres qu’on les autorise à réintégrer leurs chambres climatisées, ou reprendre leur ordinateur pour se vanter par wifi de leurs aventures ? ». Une fois ces lignes lues, l’affaire semble pliée. On est quelque part assez admiratif qu’un auteur ait le courage d’inclure dès la page 17 du livre la critique la plus crue à son propre texte !
Car dans tout le reste de l’ouvrage, François Bon ne fait qu’une démonstration éclatante des limites énoncées avant. Une fois les événements brièvement décrits, François Bon se lance dans une errance littéraire, paraphrasant sur les marques préférées de ses carnets de notes, la connexion wifi de l’hôtel, le voyage jusqu’à Montréal, avant de rompre avec un texte construit pour balancer tels quels, dans les vingt dernières pages, les meilleurs passages de ses carnets. Parfois, on assiste à quelques passages lumineux, tels que cette réunion entre professionnels de l’édition sur la situation financière désastreuse d’une grande maison parisienne (le Seuil, en l’occurrence). Mais ces petits plaisirs de lecteur sont malheureusement trop rares pour que cet Incendie soit autre chose que la fumée qui a présidé à son écriture.
« L’incendie du Hilton » de François Bon, Éditions Albin Michel, 190 pages, 15 €.