Le plaisir du dessin s’expose à Lyon
En cette fin d’année 2007, le Musée des Beaux-Arts de Lyon se met à la philosophie. Pour l’exposition “Le Plaisir au Dessin”, c’est le philosophe Jean-Luc Nancy qui nous présente et nous initie à la notion de plaisir, trop souvent oubliée par la critique contemporaine. Loin du côté “statique” et élitiste de la plupart des expositions, “Le Plaisir au Dessin” est un parcours sinueux au cœur des innombrables formes que peuvent prendre le plaisir et la volupté dans cet art qu’est le dessin.
Plaisir du spectateur bien sûr, mais surtout plaisir de l’artiste, sensualité du geste, du rapport privilégié qui existe entre le corps du dessinateur et le rendu visuel. Au détour de dizaines d’œuvres, croquis et esquisses de tous genres, artistes ou époques; des citations de peintres, penseurs, philosophies et critiques éclairent ce parcours pour le moins inhabituel.
« Au commencement, il y a la division: le trait qui sépare et qui rend l’espace visible, sinon lisible », ainsi débute l’exposition. Et les premières oeuvres exposées surprennent. Des traits, comme jetés sur le papier par le plus pur hasard, qui ne représentent rien; des coups de crayon en apparence aléatoires et qui, s’il n’étaient pas signés d’un nom célèbre, n’attireraient certainement pas l’attention. Et puis, peu à peu, l’espace se remplit, se noircit. Ce qui n’était au début que lignes ou courbes prend forme. On touche ici à l’expérience même de la création, celle qui fait naître la forme du vide. Et étonnamment, on ne peut qu’y être sensible. Qui n’a jamais vécu ce moment, ce plaisir du dessin, c’est à dire créer et faire jaillir une forme du néant, que ce soit par hasard sur un coin de feuille, ou avec cette idée précise en tête ?
Ce plaisir se décline sous une multitude de formes. Qu’il réside dans le choix des matériaux utilisés: toiles, papier, crayon, sanguine, fusain; dans le geste même du dessinateur, avec toute la sensualité qu’il sous-entend; la main qui tient l’outil de travail et qui devient par le fait, créatrice. Et pour expliquer cette vision presque insoupçonnée du dessin, des extraits de réflexions, comme celle de l’historien de l’art Daniel Arasse : « Le dessin prolonge l’acte de la main, et avec elle du poignet, de l’avant-bras, du regard, et finalement du corps tout entier. Contre l’intellectualisation à laquelle on a voulu parfois le réduire, le dessin produit une configuration rythmée du réel naissant du rythme même du corps ».
Comme le sous-entend cette citation, cette exposition s’adresse à tous. Nul besoin d’être un grand connaisseur d’art pour apprécier le concept du “Plaisir au Dessin”. Et si des grands noms de l’art se côtoient, tels Michel-Ange, Raphaël, Ingres, Seurat, Picasso, Matisse ou Picabia, ce n’est que dans un but précis : mettre en évidence l’universalité des émotions et sentiments attachés à la pratique du dessin. Des formes les plus basiques de cet art à son statut de miroir des passions humaines, l’exposition met en scène un plaisir poussé à l’extrême, frôlant l’érotisme dans sa façon d’utiliser le corps, que ce soit comme outil ou comme modèle. Une façon de prouver que l’art, tout comme la philosophie, ne sont pas toujours deux domaines difficiles d’accès, mais que de la façon la plus simple qui soit, il peuvent séduire le plus grand nombre d’entre nous.
Elsa Lorphelin
Au Musée des Beaux-Arts de Lyon, du 12 octobre 2007 au 14 janvier 2008
20, place des Terreaux, 69001 Lyon. Tél. 04 72 10 17 40
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